Extraits de Henri Corneille Agrippa et de Giordano Bruno sur la magie

Publié le par Perardua

Ce qui est mis entre crochets [...] sont mes annotations personnelles


Corneille Agrippa,
De Occulta Philosophie, Liber I, cap. I


Les Mages extraient les forces du monde matériel, les tirent de toutes les choses existantes et de leur mélange. Ils étudient le monde céleste des rayons et des influx par la science des astres et les mathématiques.
  • [C’est-à-dire : ils calculent les moment opportuns où les influences célestes sont maximales et bénéfique pour l’opération magique ; les influences sont maximales lors de la formation des conjonctions entre l’ascendant ou le Milieu du Ciel avec une planète ou une étoile fixe, ou que l’ascendant ou le Milieu du Ciel traversent un quinaire, un décan ou un signe.] 
et savent recueillir les vertus célestes.
  • [C’est-à-dire : qu’ils savent accomplir un rituel propre à capter les influences célestes descendant naturellement sur notre monde.]
Mais aussi ils affermissent toutes ces connaissances ainsi que leur pouvoir sur les intelligences des divers ordres par les saintes cérémonies de la religion.
  • [C’est-à-dire : que les entités sont contraintes par la puissance des noms divins, la méditation sur les noms divins doit être considérée comme la vraie religion. Notons, que chacun utilisera la religion qui lui est la plus familière.] 

 

Corneille Agrippa, De Occulta Philosophie, Liber I, cap. II

 

La Magie donne de nombreux pouvoirs, elle est pleine de profonds mystères, et se donne pour objet l’étude poussée des choses les plus secrètes comme la connaissance de la substance, des pouvoirs, des qualités, de l’essence et des vertus de tout ce qui existe. Elle étudie les différences des choses entre elles ainsi que leurs rapports. Elle provoque des phénomènes admirables en unissant les vertus des différents corps, en mélangeant et en mariant les inférieurs et les supérieurs et en notant leurs affinités.


Corneille Agrippa,
De Occulta Philosophie, Liber I, Chapitre I

 

Le monde est triple, car il est divisé en trois plans : le plan matériel, le plan céleste et le plan des idées ou intellectuel. Chaque plan inférieur est gouverné par son supérieur et en reçoit les influences de sorte que l’Archétype lui-même, peut faire passer en nous les vertus de sa Toute-Puissance par l’intermédiaire de ses messagers : les cieux, les étoiles, les éléments, les animaux, les plantes, les métaux, les pierres, car il a établi et créé chaque chose en lui donnant des qualités propres et un rôle particulier. Les Mages pensent, non sans raison, que nous pouvons nous élever par ces mêmes degrés, par chacun de ces plans, jusqu’au niveau de l’Archétype. Nous pouvons donc utiliser avec profit les vertus préexistantes dans les plus élevées des choses créées, mais encore attirer à nous des vertus nouvelles.

 

Corneille Agrippa, De Occulta Philosophie, Liber I, Chapitre II


Toute philosophie est divisée en physique, en mathématique et en théologie.

  • La physique nous enseigne la nature des choses créées, leurs causes, leurs effets, leurs rythmes, leur situation dans l’espace, leur état, leur évolution dans le temps, et recherche avec précisions les éléments constitutifs des corps et leurs propriétés essentielles.
  • La mathématique nous enseigne que le monde matériel s’étend sur trois dimensions, elle nous explique le mouvement et la marche des corps célestes. « Nous pouvons ainsi prévoir le temps à venir d’après l’état du ciel, le jour des moissons, le moment d’engranger, les périodes où il est peu sûr de naviguer à la rame, et celles au contraire où les escadres armées peuvent prendre la mer, ainsi que le moment convenable pour abattre un pin dans la forêt. »
  • La théologie nous enseigne ce qu’est Dieu, l’esprit de l’homme, l’intelligence, l’ange, le génie, le daemon et l’âme. Elle nous dit ce qu’est la religion, ce que sont les institutions sacrées, les rites, les temples, les mystères. Elle nous enseigne la foi, les miracles, la force du Verbe, des signes, des grandes opérations et des talismans mystérieux.

La Magie comprend ces trois branches de la pensée humaine, elle en fait la synthèse et elle les met en application.

  • Donc, que nul ne s’adonne à l’étude de la magie s’il n’est déjà averti des sciences physiques et naturelles qui les qualités des choses et des êtres et qui font découvrir leurs propriétés sacrées, ce qui est le dessein du premier livre ou Magie naturelle.
  • Que nul ne s’adonne à la magie si il n’est mathématicien habile à calculer les aspects et la configuration des astres, puisque les vertus transcendantes et les propriétés des choses en dépendent, ce qui est le dessein du deuxième livre ou Magie céleste.
  • Que nul ne s’adonne à la magie si il n’est versé en théologie, science qui rend évidente la présence des forces immatérielles qui nous régissent et répartissent toutes choses, ce qui est le dessein du tiers livre ou Magie cérémonielle.
Il ne peut y avoir de magie parfaite et même il ne peut y avoir d’œuvre magique si ces trois branches du savoir humain ne se complètent pas mutuellement.
 
Corneille Agrippa, De Occulte Philosophie, Liber III, cap. XVI


Les trois ordres des Intelligences 

Les Intelligences du premier ordre sont dites « supracélestes » ; ce sont des âmes presque totalement détachées des choses de la matière que l’on peut considérer comme des entités intellectuelles adorant le dieu unique, fondement et centre de leur unité. Certains philosophes les appellent « dieux » en raison de leur participation étroite à la nature de la divinité. Ces âmes sont pleines de Dieu et ivres de son divin nectar. Toute leur occupation est à Dieu, elles ne président pas aux affaires matérielles de ce monde et ne participent pas à l’administration des choses inférieures. Elles reçoivent leur lumière de Dieu et la transmettent aux ordres inférieurs de la création, elles répartissent aussi la tâche de chacun.

Les intelligences du second ordre sont appelées « génies du monde » parce que outre la célébration du culte de Dieu, elles vaquent aux affaires des différentes sphères du monde présidant au mouvement des cieux et des étoiles. Ces génies sont répartis en autant d’ordres qu’il y a de cieux dans le monde et d’étoiles dans le ciel. Chaque étoile et chaque secteur du Ciel ayant une vertu et une influence particulière, ils doivent avoir chacun leur intelligence déterminée qui leur donne cette force et par laquelle elle agit. [On pourrait classifier ceux-ci en Intelligences célestes qui sont liés aux étoiles, aux degrés, aux quinaires, aux décans, aux heures et aux signes, et les Intelligences planétaires qui sont liés aux planètes. On peut en outre distingués les intelligences liés aux étoiles, c’est-à-dire aux autres soleils, ou ciel étoilé, et celles liés aux portions symboliques du zodiaque, c’est-à-dire aux degrés, quinaires, etc., ou ciel empirée. Cette double catégorie correspond à la sefira Hokmah.]

Les intelligences du tiers ordre sont dites « élémentaires » et chargées d’organiser les choses de ce monde [comme de chaque monde]. Ces intelligences interviennent dans toutes les affaires humaines, elles nous favorisent ou nous affligent à leur gré. Elles se répartissent en génies du feu, de l’air, des eaux et de la terre. Les génies du feu aident à la contemplation des mystères sublimes, ceux de l’air aident à la raison pratique, les génies de l’eau s’accordent avec l’imagination et inclinent à la volupté, ceux de la terre s’accordent à la vie végétative et poussent à la stabilité. [les génies des directions ou des saisons sont des génies élémentaires]


Giordano Bruno, De Magia, [Des différentes sortes de magies]
 

  1. La magie est dite « sagesse », par les anciens peuples.
  2. La magie est dite faussement « naturelle » lorsque l’on accomplit des prodiges par la seule application des principes actifs et passifs. [Faire exploser de la poudre peut apparaître comme de la magie aux gens peu instruits.]
  3. La magie est dite « prestidigitation », lorsque l’on fait croire que la précédente magie naturelle est due à l’influence d’une intelligence supérieure ou lorsque l’on l’entoure de circonstances énigmatiques.
  4. La magie est véritablement dite « naturelle » lorsque l’on recourt à la vertu de sympathie et d’antipathie qu’ont les choses entre elles, comme lorsque des substances repoussent, transmutent ou attirent d’autres substances.
  5. La magie est dite « mathématique » lorsque l’on ajoute à la magie naturelle, des mots, des formules, des rapports de nombres et de moments, des images, des figures, des sceaux, des caractères ou des lettres.
  6. La magie est dite « surnaturelle », si on se livre au culte ou à l’invocation des Intelligences supérieures ou de puissances extérieures [à l’opérateur], par des prières, des consécrations, des fumigations, des sacrifices, des rites précis et des cérémonies dédiées aux dieux, aux démons, aux héros [ou aux anges].
    1. La magie surnaturelle devient une magie de désespérés, si elle se limite à attirer un esprit en soi-même, pour en devenir le vase et l’instrument et ainsi paraître savant ;
    2. La magie surnaturelle est une théurgie, si elle est utilisée pour commander et gouverner les démons inférieurs avec l’appui des démons supérieurs en honorant et en flattant les uns et en asservissant les autres par des conjurations et des adjurations.
    3. [Les magies naturelles, mathématiques et surnaturelles se complètent mutuellement, Agrippa les appelle magies naturelle, céleste et cérémonielle.]
    4. [Rappelons que le but de la magie est de posséder une entité et non d’être possédé par elle. Il s’agit de la gouverner et non d’être en son pouvoir. De là, on déconseille l’usage des stupéfiants et de l’alcool immodéré, parce que cela affaibli notre concentration.]
  7. La magie est dite « nécromantique », lorsque les invocations et les adjurations n’ont pas comme objectif les démons et les héros, mais qu’elles servent seulement d’intercesseurs pour faire surgir les âmes des défunts,  ou pour tirer des oracles aux fins de deviner et connaître les choses absentes ou futures. [La magie sera encore dite « nécromantique » si elle vise à réanimer des cadavres en vue de les déplacer, etc. comme cela s’est vu en Chine après la WWII.]
  8. La magie est dite « pythonique » si elle invoque l’esprit qui possède un énergumène, un possédé, tel ceux qui étaient visités par l’esprit d’Apollon Pythien en son temple.
  9. La magie est dite « d’influence » si à l’incantation s’ajoutent des fragments d’objets, de vêtements, d’excréments, de secrétions, d’empreintes et de tout ce qui a, par simple contact, reçu un pouvoir pour délivrer, lier ou affaiblir.
    1. Elle sera dite « bénéfique » si elle s’apparente aux soins et à la guérison ;
    2. Elle sera dite « maléfique » si elle tend vers le mal ;
    3. Elle sera dite « vénéfique » si elle vise à nuire au dernier point ou à faire mourir ;
    4. [Elle sera dite simplement « d’influence », si elle vise à influencer et à sceller quelque chose en rapport avec une personne, comme l’amour, la chance, etc.]
  10. La magie est aussi la divination, à savoir deviner [par intuition ou moyens magiques] les choses absentes ou futures, [voire passées].
    1. Ces pratiques peuvent se baser sur les quatre éléments ;
    2. sur la triple connaissance : naturelle [c’est-à-dire les phénomènes physiques, les entrailles, etc.], mathématique [c’est-à-dire géomantique ou astrologique] et surnaturelles [c’est-à-dire par l’utilisation des noms sacrés, de la coïncidence des lieux, de certains calculs brefs, de l’examen de conjonctions, il s’agit des tables de correspondances et de la mise en pratique de l’Art Bref de Raymond Lulle, cette dernière sorte de divination s’apparente à la prophétie.
  11. Les Inquisiteurs n’ont rien compris.
  12. [Il est à noter que normalement la magie naturelle et la magie mathématique sont neutres, alors la magie surnaturelle est elle bonne ou mauvaise… C’est donc elle qui donnera une orientation bénéfique ou maléfique à la magie naturelle et à la magie céleste.]
  13. La magie ressemble à l’arithmétique par les nombres et les calculs, avec l’astronomie, par les périodes et les mouvements des astres, avec la musique par l’incantation, avec l’optique par les fascinations du regard [aussi par les miroirs magiques].

     

Giordano Bruno, De Magia, Des liens des esprits

 

  • Du premier lien des esprits qui est dit « général » et est triple : naturel, mathématique et métaphysique ;
    • Par naturel, il s’agit de la compréhension des principes actifs et passifs selon leur genre ;
    • Par mathématique, il s’agit de la compréhension des temps, des lieux et des causes ;
    • Par surnaturel, il s’agit de la raison des principes et des causes universelles ou supérieures.
  • Du second lien des esprits qui est dit « triple », car il s’agit de la foi, de l’amour et de la connaissance. L’âme change le corps et le corps change matériellement l’âme.
  • Du tiers lien des esprits qui concerne les principes, c’est-à-dire les quatre points cardinaux, retenons que certains principes n’ont pas de lieu déterminé.
  • Le quart lien des esprits est l’âme du monde qui relie et joint toutes choses entre elles ; l’âme du monde est la voie d’accès de toutes choses vers toutes choses.
  • Le cinquième lien des esprits consiste dans les âmes des astres et matières des lieux, des vents et des éléments.
  • Le sixième lien des esprits sont les âmes et les démons qui président aux saisons, aux jours, aux états du ciel et aux éléments.
  • Le septième lien des esprits ce sont les âmes des tyrans, des princes et de ceux qui se sont distingués par une renommée qui les a érigés en puissance divine.
  • Le huitième lien des esprits consiste dans les noms divins et dans les noms des ordres divins [hiérarchies angéliques ?]
  • Le neuvième lien des esprits consiste dans les caractères et les sceaux.
  • Le dixième lien des esprits consiste dans les invocations et les conjurations qui sont faites par la puissance de la force supérieure sur la force inférieure, comme certains chassent les mauvais démons par les bons ou les mauvais inférieurs par les mauvais supérieurs. Ils sont charmés par les sacrifices, les holocaustes, terrorisés par les menaces, évoqués par la vertu des rayons et des influx.
  • Le onzième lien des esprits agit par la vertu du monde tripartite : élémentaire, céleste et intellectuel.
  • Le douzième lien des esprits est la disposition de qui demande le bien aux gens de bien, la chasteté, la purification, etc.
  • Le treizième lien des esprits consiste dans les rites et les objets naturels recelant les esprits qui sont en analogie avec ceux dont les œuvres sont requises.
  • Le quatorzième lien des esprits consiste dans la spécificité des rites.
  • Le quinzième lien des esprits s’obtient par la force des consécrations qui viennent de l’officiant, de la prière et du rituel.
  • Le seizième lien des esprits consiste dans la connaissance des fêtes, des jours et des heures fastes ou néfastes.
  • Le dix-septième lien des esprits consiste dans la connaissance des observances religieuses, comme la pureté des lieux, les ablutions, les impositions des mains, les suspensions, les habits, les fumigations, les sacrifices, le tout en conformité aux particularités propres des objets [du rituel] et des moyens.

  • Le dix-huitième lien des esprits consiste dans l’application des principes actifs et passifs, suivant l’exemple des éléments premiers et très proches, puis des pierres, des métaux, des plantes et des animaux, selon quatorze conditions [celles-ci ne sont pas énumérées par Giordano Bruno.]
  • Le dix-neuvième lien consiste dans les anneaux.
  • Le vingtième lien consiste dans les arts de fascination.

 

 




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B
Bonjour,<br /> J'aurais aimé connaitre la source des illustrations (en particulier la 3e, l'autel) qui m’intéressent beaucoup.<br /> EN vous remerciant à l'avance<br /> Cordialement<br /> B.V.
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(
Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-11, THÉORÈME de FAUST. - Une FORMULE MAGIQUE de MATHÉMATICIEN.
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